Comment écrire des mots sur ce sujet si délicat ?
Cet article est et restera modifiable à souhait. Il est cependant important d’en parler et de mettre des mots sur ces maux.
En 2020, 6,7 millions de personnes ont déclaré avoir été victimes d’inceste en France, soit un français sur dix[1]. Ces chiffres démontrent que les actes d’ordre incestueux sont loin d’être marginaux. Et pourtant, subsistent encore, non pas uniquement une difficulté à libérer la parole des victimes mais aussi à les écouter. L’inceste, qui touche tous les sexes et toutes les strates de la société,est caractérisé par une agression à caractère sexuel commise sur un membre de son cercle familial. Il est la source d’un réel traumatisme et d’une sensation d’insécurité constante chez les victimes. Aujourd’hui, l’inceste ne doit – peut – plus être un tabou.
Le traumatisme
Lors du traumatisme d’ordre sexuel, de nombreuses victimes ont témoigné leur incapacité à dire « non » face à leur agresseur. Et même si elles ont pu le dire, la peur et le statut d’adulte n’a pas eu raison de leur refus.
Des émotions qui s’entremêlent : peur, terreur, sidération, voir même une impression de mourir. André Bescond a eu l’occasion de comparer ce traumatisme à « une petite mort ».
Si certaines victimes vont avoir un souvenir conscient de leur(s) traumatisme(s), d’autres victimes vont enfermer leurs souvenirs dans leur mémoire à « double tour ». C’est l’amnésie traumatique, un phénomène encore trop peu connu.
L’amnésie traumatique comme mécanisme de protection
Le traumatisme sexuel est tel que, pour certaines personnes l’ayant vécu, tous les souvenirs en rapport avec l’évènement sont tus, oubliés, comme enterrés… Les victimes n’ont alors plus conscience des actes qui ont été commis sur elles.
Lors du traumatisme, « pour se protéger de la terreur et du stress extrême générés par les violences, le cerveau disjoncte et déconnecte avec les circuits émotionnels et ceux de la mémoire », explique Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l’association « Mémoire traumatique et victimologie »[2].Pour continuer à vivre, poursuivre leur existence et se protéger, il s’agira alors d’oublier les violences traumatisantes qu’elles ont subi.
[1] Sondage mené par l’IPSOS pour l’association « Face à l’inceste ».
[2] Qu’est-ce que l’amnésie traumatique ? (lemonde.fr)
POEME J'ai voulu oublier. Le cerveau et ses recoins. Cacher cette misère. Pour grandir loin de ça. M'élever loin de ça. Me construire loin de ça. Mais c'était dans mon ombre A me suivre partout. A l'envers de mes mots. Dans mes heurts autant que dans mes effleurements. Dans mes cris et dans mes rires. La trace du carnage. Son empreinte. Le poinçon de la douleur. L'instant de la fracture. Antoine Dole, L’instant de la fracture
Les conséquences liées aux traumatismes d’ordre sexuel
Après ce traumatisme, les victimes peuvent ressentir différentes émotions comme de la peur, de la culpabilité, de la tristesse, de la colère ou encore de la honte. Un mal être psychologique qui est aussi physique, avoir mal à son corps et aux « endroits » blessées. Elles peuvent se demander aussi si ce traumatisme a bien existé ou encore s’il est normal ou non de l’avoir vécu.
Les victimes, meurtries physiquement et psychologiquement, vont alors adopter un chemin de survie.
En effet, les séquelles qui résultent de la réalisation d’un tel acte sexuel ont des conséquences qui perdurent durant la vie de la victime une fois adulte, que le souvenir traumatique soit enfoui ou non car l’enfant blessé est toujours là.
Concernant l’amnésie traumatique, elle peut prendre fin aussi brutalement qu’elle a commencé. La victime va percevoir des « flashs », va revivre certains ressentis émotionnels ou physiques, ou voir ses souvenirs gardés intactes renaître. Muriel Salmona, avance que la réapparition des souvenirs refoulés peuvent s’apparenter à une « bombe atomique ».
Le cheminement vers un processus de libération émotionnelle
La prise de parole peut être difficile pour les personnes ayant connu un traumatisme sexuel. La question du temps est un paramètre à prendre en compte : prendre du temps pour se relever, se retrouver et se sentir plus en confiance.
Lorsque les personnes sont prêtes à mettre des mots sur ce traumatisme, un accompagnement en thérapie peut être bénéfique : mettre en paix l’enfant qui a été blessé, se donner du soin et de l’amour. Avec la thérapie Enfant Gigogne j’accompagne, en toute bienveillance, les personnes qui ont connu des traumatismes d’ordre sexuel lors de leur enfance. L’accompagnement que nous menons ensemble avec douceur et confiance, à travers un processus de guérison de l’enfant blessé, vous permet de mettre des mots sur votre vécu, et de vous libérer pour aller mieux. Car oui, croyez-moi, il est possible d’aller mieux.
Flavie Flament en voyant une photo d’elle petite [5]:
« Je vois une petite fille qui va vivre quelques mois après n’innommable.
Cette petite fille maintenant que je ne cesse de défendre et avec laquelle j’ai envie de me réconcilier, parce que c’est ça aussi la résilience c’est à un moment donné s’emparer de l’enfant qu’on a eu en soi et qui est là en permanence et qui pleure au fond de nous.
Je vois cette petite fille et parfois j’ai vraiment envie de la prendre dans mes bras et de lui dire, comme j’aurai aimé qu’on me dise à l’époque : « Tout va bien se passer, on va s’occuper de toi, on va te défendre » ».
Flavie Flament a été victime d’agressions sexuelles perpétré par un ami de sa famille quand elle était mineure
[5] Emission Quotidien, TMC (25 janvier 2021)
De nombreuses ressources à votre disposition :
- L’association qui combat le tabou de l’inceste et accompagne les victimes : Face à l’inceste :
- Numéro vert pour les enfants ou adolescents victimes de violences, de brutalités physiques, mentales ou sexuelles de la part de leurs parents ou d’un adulte : 0800 05 12 34
- Trois petits livres d’Andréa Bescond et Mathieu Tucker pour aider les enfants à parler de tout, sans tabou : Et si on se parlait ?
- Flavie Flament, La consolation.
- Camille Kouchner, La familia grande.
- Pièce de théatre : Les chatouilles.
- Jean-Paul Fluteau, L’enfant gigogne.